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  • Photo du rédacteurAudrey

L’école sur la route : le bilan

June 8, 2017


Est-ce facile de faire travailler 3 enfants sur les routes du monde ?

Je me revois encore en juin dernier, lors des bilans avec les 3 maîtresses. J’arrivais telle une conquérante qui avait tout compilé : français, maths, le programme de toute l’année et des certitudes pleins la tête : nous ferons 1h d’école par jour, chaque matin avant de faire les visites.Étonnement, j’en étais convaincu. On se donnerait les moyens, c’est une évidence d’assurer une scolarité digne de ce nom à nos enfants, nous 2, parents, convaincu par la pédagogie de nos métiers respectifs de professeur. On arrive bien a enseigné à 30 collégiens ou lycéens, alors, nos enfants un jeu d’enfant !


A 7 mois de voyage, d’aventure, de découverte, je me rends compte que j’étais cette jeune novice, cette prof débutante, pleine de certitude mais bien loin de la réalité du terrain, car bien évidement NOTRE réalité est tout autre !


Le début de l’aventure

Dès notre arrivée en Chine, nous avons mesuré que nous n’y arriverons pas ! Comment tenir ce rythme effréné d’une heure par jour, certes pour des enfants scolarisés cela parait si peu, mais pour les vadrouilleurs que nous étions cela était beaucoup !

Mais bon, un peu égoïstement on se disait, c’est les vacances en France, on peut bien faire une pause ou faire moins. A ce moment j’aurais du tilter et me dire que nous prenions un mauvais chemin ou pas …

Notre rythme d’école, ces premiers mois ce comptabilisait à 3 ou 4 fois par semaine, ce qui n’était pas si mal, au regard d'aujourd’hui… Nous intensifions les leçons, lors de nos échanges de maison car nous étions moins nomades et donc nous prenions davantage le temps.


 


 

Alors pourquoi ?

Pas par manque d’envie, mais tout simplement, nous étions tous happés comme des gosses, par la magie du voyage, par ses découvertes. Par l’envie d’en découvrir toujours plus, de se laisser bercer par nos rencontres, notre itinéraire. Mais aussi parce que nous n’arrivions pas à tout cumuler de front. Nous n’étions pas des supers héros, et nos enfants, tels que des enfants avaient besoin de souffler, de s’amuser après des journées de marche et d’enrichissement.


Culpabilité ?

Parfois oui, mais souvent non. Nous étions persuadés que la culture du pays, l’histoire, l’art comblera en partie ces manques. Nous faisions l’école au quotidien dans nos discussions, dans les tuk tuk, dans les musées, sur les marchés. Ils commençaient à parler quelques mots d’anglais, à aller plus facilement vers les autres et leur capacité d’adaptation nous bluffait au quotidien. Nous avons très vite ralenti notre petit rythme d’école pour faire les maths et le français assis à une table que lorsque nous avions vraiment le temps, environ une fois par semaine.


Mais des peurs subsistent..

Avec ce travail en pointillé nos enfants montraient tous les signes de flémingite aiguë ! En gros, moins on leur en demandait et plus ils râlaient. Ils n’avaient plus le gout de l’effort, alors qu’ils étaient capables de marcher durant des heures sans jamais rechigner. Ils ne voulaient plus écrire, toute écriture était une corvée et les mots tout simples n’arrivaient plus à être écrits correctement. Je ne vous parle pas de la conjugaison, où toutes les terminaisons s’étaient envolées de leur tête et de leur mémoire. Bref, là nous avons recommencé à culpabilisé, car nous avions forcément notre part de responsabilité.

Quand cette responsabilité nous tiraille.

Eh oui, tout cela nous renvoyait à notre manque de continuité, nous qui savons pertinemment que les savoirs doivent être en perpétuels réinvestissement mais surtout toujours sollicité. Notre manque de rigueur dans un travail journalier, avait entraîné des enfants passifs, sans cadre, et attentiste. Ils n’étaient plus acteur de leur apprentissage. Nous avions pourtant l’impression d’être cool, de leur en demandé peu, mais au final, même ce presque rien entraînait un refus, cris, pleurs, bref on ne pouvait plus continuer comme cela.


Des explications et des discussions.

Après pas mal de temps, d’explications, de discussion en famille, nous leur avons expliqué notre situation : celle d’une famille sur la route, mais qui souhaite qu’ils conservent quelques acquis pour l’année prochaine. Que notre rythme n’était certainement pas le bon mais qu’il fallait qu’ils acceptent tous les jours pendant 2 semaines (ce qui s’avèrent beaucoup plus efficace) ou épisodiquement une fois de temps en temps quand les conditions le permettait. On constate qu’Hugo a bien compris cette réalité et qu’ils rechignent moins devant la tâche. Ce qui n’est pas encore le cas de Raphael et Camille.


 


 

Le voyage : l’apprentissage de la vie.

Durant ces long mois de route, j’ai souvent oscillé entre une grande culpabilité et la réalité. Il m’aura fallu 7 mois pour l’accepter et le comprendre. Nous voulons toujours le meilleur pour nos enfants et j’ai pris conscience dernièrement que le meilleur c’était l’aventure qu’ils étaient en train de vivre. Cette parenthèse ne se reproduira peut être jamais et c’est pour cela que depuis le début on essaye de la vivre à 200%. Certes, nos choix sont égoïstes mais j’ose croire que nous avons pris les bonnes décisions et que l’école de la vie, de la route, leur laissera des traces indélébiles. Alors j’ai appris a déculpabiliser. Tant pis s’ils ne se souviennent plus de la table de 8, si le COD n’est pas reconnu, si la conjugaison est incertaine…Ils auront le temps ensuite de revoir ces connaissances, dans cette école qui ré exploitent les savoirs d’une année sur l’autre. Nous avons foi en eux, dans leur devenir de citoyen du monde. L’école sera toujours là, à leur retour pour leur inculquer les savoirs non assimilés, même s’il faudra peut-être du temps.


En revanche, ils seront en avance sur la découverte de ce monde, de ces saveurs, des diverses cultures qu’ils auront traversés. Ils ont acquis des connaissances spatiales au travers les plans, les cartes, mais aussi d’observations, des connaissances historiques sur les ravages des guerres du monde, sur la géographie et les capitales. Mais aussi sur l’espèce animale, les langues, l’altruisme, des chants, des danses, bref des petits voyageurs du monde d’aujourd’hui, curieux de tout.


Ce billet je ne l’ai pas écrit pour me déculpabiliser mais bien pour relater notre expérience de l’école sur la route et en sac  à dos, qui est souvent considéré pour de nombreuses familles sur la route, comme la bête noir du voyage en famille. Nous en avons rencontré beaucoup de famille, et très souvent le même constat s’impose, ou la même culpabilité, de ne pas réussir à faire plus ou de ne pas tenir le calendrier.

Nous ne sommes pas des supers héros, il nous est donc difficile durant cette année de tout mener de front : on est un peu guide touristique, interprète, testeur de saveur, marcheurs, animateur, parents, amant et professeur. Beaucoup de facette qui nécessite des adaptations permanentes. Ce voyage m’a bien évidement changé, il nous a tous changé, mais j’ai appris a accepter à lâcher prise, et que je ne pouvais pas tout contrôle et que par conséquent je pouvais aussi accepter à déculpabiliser.


 


 

Pour conclure ce billet un peu plus intimiste, une petite précision sur le lieu de cet écrit. Nous sommes dans un bus, pour 10h de route, vers le désert de San pédro de Acatama (Fin mars 2017). Les enfants regardent un Walt Disney « les 3 cavalleros ». Et Hugo, toutes les 2 minutes me dit en parlant du dessin animé : « Maman, ils sont au Chili, ils boivent du maté, ils ont des pesos, ils vont aller sur le lac Titicaca….tout comme nous, c’est super, non ? ». Tous ces termes qui, il y a encore quelques mois n’avaient aucun sens pour lui ou qui n’évoquaient rien. Aujourd’hui, je me dis que nous avons réussi à leur ouvrir les yeux, le cœur, les sens et que sans doute, c’est la plus belle des récompenses. L’école à notre retour comblera les manques et nous serons là pour les aider et les épauler au besoin. Le voyage étant, j’en suis plus que certaine la plus belle école de la vie et la plus belle parenthèse qu’on pouvait leur offrir.

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